Histoire / Ranavalona II
Ranavalona II ( 1868 Ă 1883) Protestante (LMS) Madagascar
La reine Ranavalona II succĂ©da Ă la reine Rasoherina, sa cousine, après son dĂ©cès survenu le 1er Avril 1868. Ses quinze ans de règne introduisirent diffĂ©rentes innovations dans la vie quotidienne des Malgaches qui perdurèrent jusqu’Ă nos jours comme, par exemple, l’abandon par la royautĂ© des croyances religieuses ancestrales, jadis le fondement du pouvoir politique.
Ranavalona II est nĂ©e en 1829 sous le nom de Ramoma dans le palais d’Ambatomanoina, quartier de Masombahiny. Elle est la fille du prince Razakaratrimo qui Ă©tait prince d’Ambohitrambo de par sa femme. Sa mère, la princesse Rafarasoa Ramasindrazana Ă©tait la fille de la sĹ“ur d’Andrianampoinimerina, ce qui lui confĂ©rait la lĂ©gitimitĂ© du pouvoir, selon la règle de succession Ă©rigĂ©e par le grand roi. Elle appartenait Ă la dynastie Merina.
On lui donna comme époux le premier ministre Rainilaiarivony, fils de Rainiharo et de Rabodomiarana, car il était le représentant des Hova.[1] Il épousa successivement les trois femmes régnantes : Rasoherina, Ranavalona II, et Ranavalona III. Il était premier ministre de Madagascar entre 1864 et 1895.
Ranavalona II n’a pas eu de descendant, mais ses frères Ramboasalama, Ramahatrarivo, et Ramonjamanana jouissaient d’une nombreuse postĂ©ritĂ©.
Ramoma grandit dans un milieu proche des premiers chrĂ©tiens et elle prit mĂŞme part Ă des rĂ©unions de prières clandestines pendant les persĂ©cutions. Elle fut Ă©levĂ©e par Rainiasivola.[2] Son frère Ramonjamanana, appelĂ© aussi Ramonja, Ă©tait un prince chrĂ©tien. Ramoma Ă©tait parmi les Ă©lèves d’Andriantsiamba,[3] qui Ă©tait un ami de son frère Ramonja. C’Ă©tait chez son frère, Ă Imarivolanitra, qu’elle avait fait sa connaissance. Andriantsiamba lui demanda de se convertir au christianisme. Razafinirina [4] lui a donnĂ© une Bible. Dès avant son accession au trĂ´ne Ramoma s’Ă©tait dĂ©jĂ convertie au christianisme. C’Ă©tait une femme active et intelligente.
Dès qu’elle fut nommĂ©e reine, elle n’oublia pas d’envoyer aux missionnaires de la London Missionary Society (L.M.S.)[5] travaillant Ă Madagascar une lettre de rĂ©confort en leur promettant qu’elle ferait le nĂ©cessaire pour les aider.
La nuit de la veille de son couronnement, elle pria en privĂ© avec le premier ministre et les pasteurs Andriambelo, Andrianaivoravelona, Rainimanga Rahanamy, Ratsilainga, et Rainitavy–tous de grands pasteurs mĂ»ris par la persĂ©cution–pour placer entre les mains de Dieu la lourde charge qu’elle allait entreprendre.
Le 3 septembre 1868, sur la place d’Andohalo, eut lieu le couronnement de la princesse Ramoma, sous le nom de Ranavalona II, la première Ă se faire couronner en tant que reine chrĂ©tienne Ă Madagascar. Ă€ la place des idoles royaux, la population vit une Bible Ă la portĂ©e de sa main, placĂ©e sur une table, tandis que trois pasteurs, dont Andriambelo, l’assistèrent.
Sur les quatres cĂ´tĂ©s du baldaquin oĂą se tenait la reine, Ă©taient Ă©crits en lettres d’or le texte biblique de Luc 2 v.14: Sur le cĂ´tĂ© sud: « Voninahitra any ny Andriamanitra amy ny Avo Indrindra » (Gloire Ă Dieu dans les lieux très hauts); sur le cĂ´tĂ© ouest: « Fiadanana amy ny tany » (Et paix sur la terre); sur le cĂ´tĂ© nord : « Fankasitrahana amy ny olona » (parmi les hommes qu’il agrĂ©e!); sur le cĂ´tĂ© est: « Andriamanitra no antsika » (Dieu est avec nous).
Lors de son avènement, Ranavalona II promulgua le Code des 101 articles, qui stipula entre autres que la pratique religieuse Ă©tait dĂ©sormais libre dans son royaume. Elle abrogea tout ce qui, dans les anciennes coutumes, Ă©tait en contradiction avec les principes gĂ©nĂ©raux de la morale chrĂ©tienne, comme la polygamie. Elle publia un dĂ©cret rendant obligatoire l’Ă©ducation des jeunes, y compris des jeunes filles, jusqu’Ă l’âge de quatorze ans. Cela favorisa l’extension de la scolarisation jusqu’Ă la rĂ©gion du Betsileo et dans les diffĂ©rents milieux sociaux entrepris par les missionnaires de la L.M.S.
Son règne fut marquĂ© par de grands Ă©vĂ©nements historiques qui relancèrent le christianisme Ă Madagascar, après la longue pĂ©riode de persĂ©cution des chrĂ©tiens sous Ranavalona I (1835-1861), qui n’Ă©tait autre que sa tante. Il laissa une lourde empreinte dans le changement des mĹ“urs malgaches pour adopter une morale plus chrĂ©tienne dans la sociĂ©tĂ© ; pas une seule vie humaine ne fut supprimĂ©e par sentence Ă©noncĂ©e par la reine seule.
La reine Ranavalona II faisait beaucoup pour asseoir la religion chrĂ©tienne dans le pays. Durant toute l’annĂ©e 1869, le pouvoir se lança dans la destruction des sampy (idoles)–Ă commencer par ceux du souverain–puis ordonna la liquidation collective de ces talismans que dĂ©tenaient les familles et les clans. La religion protestante gagna du terrain parmi les dignitaires du rĂ©gime et dans la population dans son ensemble.
Ainsi, le dimanche 29 fĂ©vrier 1869, la reine et son Ă©poux, le premier ministre Rainilaiarivony furent baptisĂ©s par le pasteur Andriambelo, Ă Imanampisoa, une des maisons royales bâties dans l’enceinte du palais. L’assistance, qui comprenait la famille royale, les dignitaires du royaumes, ainsi que les dirigeants des Ă©glises Ă Antananarivo et mĂŞme le pasteur Andriambelo qui la baptisa Ă©tait Ă©mus, les larmes aux yeux, en voyant la reine faire sa promesse devant Dieu, au cours du sacrement, que Dieu serait son seul maĂ®tre jusqu’Ă sa mort. Le baptĂŞme d’une reine aurait Ă©tĂ© inimaginable dix annĂ©es auparavant. Leur mariage fut aussi cĂ©lĂ©brĂ© religieusement en mĂŞme temps. Ils devinrent membres de la Sainte Cène, le 4 juillet 1869, après quatre mois d’Ă©tudes du catĂ©chisme.
Ranavalona II oeuvrait pour l’Ă©vangĂ©lisation en versant tous les ans, Ă l’occasion de NoĂ«l, de fortes sommes au trĂ©sor de l’Ă©glise protestante pour l’entretien des neufs paroisses Ă Antananarivo et de leur filiales dans les zones rurales aux alentours. Sa contribution permettait d’envoyer des Ă©vangĂ©listes dans des rĂ©gions non encore atteintes par le christianisme.
En juin 1868 la reine Ranavalona II promulgua une loi qui permit de construire en pierre et en brique, alors que jusque-lĂ , les rĂ©sidences Ă©taient en matĂ©riaux « vivants » ou pĂ©rissables comme le bois ou le bambou. Le Rova (le palais) et toute la ville changèrent de physionomie. La façade extĂ©rieur du Rova fut aussi recouverte de pierre. Dans la capitale, entre 1867 et 1870 furent inaugurĂ©s les temples encore appelĂ©s trano vato (« construits en pierre »), dĂ©diĂ©s au souvenir des martyrs Ă Ambatonakanga, Ă Ambohipotsy (Rasalama, martyr), Ă Faravohitra (des martyrs mis au feu), et Ă Ampamarinana (ceux prĂ©cipitĂ©s dans les ravins). D’autres furent construits en brique, dans la ville mĂŞme, dans tout l’Imerina et le pays Betsileo. Du point de vue urbain, le règne de Ranavalona II modifia considĂ©rablement le paysage de la ville, faisant apparaĂ®tre des constructions de plus en plus massives et rĂ©sistantes.
Le monument le plus important laissĂ© Ă la postĂ©ritĂ© par Ranavalona II fut le temple d’Anatirova (le Temple du Palais), construit en pierre, dont l’architecture Ă©tait conçue par William Pool, missionnaire de la L.M.S. et qui en dirigea aussi les travaux de construction. La première pierre fut posĂ©e le 20 juillet 1869. Ce temple inaugurĂ© le 8 avril 1880 marquait aussi une vĂ©ritable rĂ©volution dans la conception de l’espace des Malgaches.
Le règne de Ranavalona II fut marquĂ© par une occidentalisation rapide du pays grâce, notamment, Ă une intense coopĂ©ration avec les missionnaires britanniques. Cette occidentalisation conduisit aussi Ă l’adoption d’un Code des 305 articles, paru en 1881, qui abolit la polygamie et de manière plus gĂ©nĂ©rale, rĂ©glementa l’ensemble de la vie politique et sociale des Malgaches. Elle poursuivit Ă©galement la politique de sa cousine et prĂ©dĂ©cesseur, la reine Rasoherina, en interdisant le commerce de l’alcool et celui des esclaves.
D’autre part, en cherchant Ă abroger le traitĂ© franco-malgache de 1868 qui impliquait une reconnaissance implicite de la mainmise de la France sur les terres du royaume, Ranavalona II attisa le mĂ©contentement des Français qui, en reprĂ©sailles, bombardèrent les principaux ports du pays, Tamatave et Majunga, en 1883.
Ranavalona II mourut quelques mois plus tard, le vendredi 13 juillet 1883, Ă l’âge de 54 ans. Le lundi 16 juillet, on emmena sa dĂ©pouille mortelle au Temple du Palais, dans l’enceinte mĂŞme du palais, pour un culte d’actions de grâce. Le premier ministre et les hauts dignitaires du royaume ainsi que les missionnaires de la London Missionary Society, Friends’ Foreign Missions Association (F.F.M.A.), Norwegian Mission Society (N.M.S.), Society for the Propagation of the Gospel (S.P.G.) et d’autres reprĂ©sentants Ă©trangers Ă©taient prĂ©sents. Son corps fut inhumĂ© dans la tombe royale, dans l’enceinte du palais Ă Anatirova.
Sa cousine Ranavalona III lui succĂ©da et rĂ©gna entre 1883 et 1896. Elle Ă©tait la dernière reine de Madagascar avant l’occupation française, le 6 aoĂ»t 1896, date Ă laquelle Madagascar est dĂ©clarĂ© colonie française.
Berthe Raminosoa Rasoanalimanga
Notes:
1. Les Hova sont une des classes sociales chez les Merina (un des tribus parmi les dix-huit existants Ă Madagascar).2. Le martyr Rainiasivola Ă©tait un ancien devin renommĂ© qui s’Ă©st converti au christianisme. Il fut jetĂ© dans le grand ravin d’Ampamarinana le 28 mars 1849.3. Le martyr Andriatsiamba Ă©tait un chrĂ©tien provenant d’Itanjombato. Il fut capturĂ© le 20 fĂ©vrier 1849, en mĂŞme temps que Rainiasivola. Il ne voulait pas renier sa foi; appartenant Ă la caste noble, il fut brĂ»lĂ© vif Ă Ifaravohitra.4. La martyre Razafinirina fut tuĂ©e pendant la première vague de la persĂ©cution de 1835 Ă 1861.5. La London Missionary Society Ă©tait la première mission protestante arrivĂ©e Ă Madagascar en 1818, reprĂ©sentĂ©e par les missionnaires David Jones et Thomas Bevan.
Bibliographie:
Richard Lovett, The History of the London Missionary Society: 1795-1895, vol. 1. (London: Oxford University Press Warehouse, 1899). Accessible sur le site Internet : //books.google.com/Revue protestante Mpanolotsaina [Le Conseiller], N° 18, avril 1908, pp. 111-124.Revue de Mcar, N° 9, sept- dĂ©c. 1911, pp. 1028-1043.Pasteur Rabary, Ny daty Malaza: na ny dian’I Jesosy teto Madagasikara [Les dates mĂ©morables sur la trace de Jesus Ă Madagascar ]. (Antananarivo: Trano Printy Fiangonana Loterana Malagasy, 2004).James Raoloson, Dictionnaire Historique et GĂ©ographique de Madagascar (Ambozontany: Imprimerie Catholique, 1966) .Lucile Rabearimanana, professeur d’histoire contemporaine, « Ranavalona II : christianisation, innovation et culture malgache (1868- 1883) » in L’Express de Madagascar, journal quotidien, 7 mai 2005.
Photos:
[1*] La reine Ranavalona II : photo des Wikimedia Commons, the free media repository.[2*] Rainilaiarivony, Premier Ministre : photo de http://freepages.genealogy.rootsweb.ancestry.com/–Recherche sur Google Images.[3*] Photo du palais de la reine Ă Anatirova, entourĂ© de maisons. Special Collections. Yale Divinity School Library. [Collections spĂ©cialisĂ©es de la bibliothèque de la FacultĂ© de ThĂ©ologie de Yale]. Photo dans la sĂ©rie des « Photographies de la mission » de la Yale Divinity Library Special Collections, New Haven, Connecticut. Date: env. 1880-1950. SĂ©rie « Cartes postales missionnaires. »[4*] Le Temple du Palais Ă Anatirova-Antananarivo, in The Madagascar Mission, : Sibree, p. 51.[5*] Un guĂ©risseur avec ses talismans, in Fifty years in Madagascar, Sibree, p. 41.[6*] Une idole malgache, in Fifty years in Madagascar, Sibree, p. 41.
Cet article, reçu en 2008, est le produit des recherches de Madame Berthe Raminosoa Rasoanalimanga, directrice du Centre National des Archives FJKM (1984-2007), récipiendaire de la bourse du Projet Luc en 2008-2009.